Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/439

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ciateur ; mais sans moi on n’eût jamais rien fait. Le grand Gustave, qui manquait de tout, eut dans les commencements, il est vrai, besoin de l’argent de la France : mais, dans la suite il battit les Bavarois et les Impériaux ; il releva le parti protestant dans toute l’Allemagne. S’il eût vécu après la victoire de Lutzen, il aurait bien embarrassé la France même, alarmée de ses progrès, et aurait été la principale puissance de l’Europe. Vous vous repentiez déjà, mais trop tard, de l’avoir aidé ; on vous soupçonna même d’être coupable de sa mort.

Richelieu. — J’en étais aussi innocent que vous.

Oxenstiern. — Je le veux croire ; mais il est bien fâcheux pour vous que personne ne mourût à propos pour vos intérêts, qu’aussitôt on ne crût que vous étiez auteur de sa mort. Ce soupçon ne vient que de l’idée que vous aviez donnée de vous par le fond de votre conduite, dans laquelle vous avez sacrifié sans scrupule la vie des hommes à votre propre grandeur.

Richelieu. — Cette politique est nécessaire en certains cas.

Oxenstiern. — C’est de quoi les honnêtes gens douteront toujours.

Richelieu. — C’est de quoi vous n’avez jamais douté non plus que moi. Mais enfin qu’avez-vous tant fait dans l’Europe, vous qui vous vantez jusqu’à comparer votre ministère au mien ? Vous avez été le conseiller d’un petit roi barbare, d’un Goth, chef de bandits, et aux gages du roi de France, dont j’étais le ministre.

Oxenstiern. — Mon roi n’avait point une couronne égale à celle de votre maître ; mais c’est ce qui fait