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pital, après la mort de votre cousin, d’user contre vous de rigueur comme contre lui, d’animer la Ligue, et de ne laisser point monter sur le trône de France un hérétique. Mais bientôt j’aperçus que vous prévaudriez sur la Ligue, et votre courage me donna bonne opinion de vous. Il y avait deux personnes dont je ne pouvais avec aucune bienséance être ami, et que j’aimais naturellement.

Henri. — Qui étaient donc ces deux personnes qui avaient su vous plaire ?

Sixte. — C’était vous et la reine Élisabeth d’Angleterre.

Henri. — Pour elle, je ne m’étonne pas qu’elle fût selon votre goût. Premièrement elle était pape aussi bien que vous, étant chef de l’Église anglicane ; et c’était un pape aussi fier que vous : elle savait se faire craindre et faire voler les têtes. Voilà sans doute ce qui lui a mérité l’honneur de vos bonnes grâces.

Sixte. — Cela n’y a pas nui ; j’aime les gens vigoureux, et qui savent se rendre maîtres des autres. Le mérite que j’ai reconnu en vous, et qui m’a gagné le cœur, c’est que vous avez battu la Ligue, ménagé la noblesse, tenu la balance entre les catholiques et les huguenots. Un homme qui sait faire tout cela est un homme, et je ne le méprise point comme son prédécesseur, qui perdait tout par sa mollesse, et qui ne se relevait que par des tromperies. Si j’eusse vécu, je vous aurais reçu à l’abjuration sans vous faire languir. Vous en auriez été quitte pour quelques petits coups de baguette, et pour déclarer que vous receviez la couronne de roi très chrétien de la libéralité du Saint-Siège.