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LXX

SIXTE-QUINT ET HENRI IV


Les grands hommes s’estiment malgré l’opposition de leurs intérêts


Sixte. — Il y a longtemps que j’étais curieux de vous voir. Pendant que nous étions tous deux en bonne santé, cela n’était guère possible ; la mode des conférences entre les papes et les rois était déjà passée en notre temps. Cela était bon pour Léon X et François Ier, qui se virent à Bologne, et pour Clément VII avec le même roi à Marseille, pour le mariage de Catherine de Médicis. J’aurais été ravi d’avoir de même avec vous une conférence ; mais je n’étais pas libre, et votre religion ne me le permettait pas.

Henri. — Vous voilà bien radouci ; la mort, je le vois bien, vous a mis à la raison. Dites la vérité, vous n’étiez pas de même du temps que je n’étais encore que ce pauvre Béarnais excommunié.

Sixte. — Voulez-vous que je vous parle sans déguisement ? D’abord je crus qu’il n’y avait qu’à vous pousser à toute extrémité. J’avais par là bien embarrassé votre prédécesseur ; aussi le fis-je bien repentir d’avoir osé faire massacrer un cardinal de la sainte Église. S’il n’eût fait tuer que le duc de Guise, il en eût eu meilleur marché : mais attaquer la sacrée pourpre, c’était un crime irrémissible ; je n’avais garde de tolérer un attentat d’une si dangereuse conséquence. Il me parut ca-