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beaucoup de vaines flatteries, qui m’ont donné de fausses espérances, et fait faire de grandes fautes.

Henri. — Pour moi, j’ai été instruit par mon malheur. De telles leçons sont rudes ; mais elles sont bonnes et il m’en restera toute ma vie d’écouter plus volontiers qu’un autre mes vérités. Dites-les-moi donc, mon cher cousin, si vous m’aimez.

Le duc. — Tous nos mécomptes sont venus de l’idée que nous avions conçue de vous dans votre jeunesse. Nous savions que les femmes vous amusaient partout ; que la comtesse de Guiche vous avait fait perdre tous les avantages de la bataille de Coutras ; que vous aviez été jaloux de votre cousin le prince de Condé, qui paraissait plus ferme, plus sérieux et plus appliqué que vous aux grandes affaires, et qui avait, avec un bon esprit, une grande vertu. Nous vous regardions comme un homme mou et efféminé, que la reine-mère avait trompé par mille intrigues d’amourettes, qui avait fait tout ce qu’on avait voulu dans le temps de la Saint-Barthélémy pour changer de religion, qui s’était encore soumis, après la conjuration de La Mole, à tout ce que la cour voulut. Enfin, nous espérions avoir bon marché de vous. Mais en vérité, sire, je n’en puis plus ; me voilà tout en sueur et hors d’haleine. Votre Majesté est aussi maigre et aussi légère que je suis gros et pesant ; je ne puis plus la suivre.

Henri. — Il est vrai, mon cousin, que j’ai pris plaisir à vous lasser ; mais c’est aussi le seul mal que je vous ferai de ma vie. Achevez ce que vous avez commencé.

Le duc. — Vous nous avez bien surpris, quand nous vous avons vu, à cheval nuit et jour, faire des