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Henri. — Promenons-nous dans cette allée entre ces deux canaux ; et, en nous promenant, nous parlerons d’affaires.

Le duc. — Je suivrai avec joie Votre Majesté.

Henri. — Eh bien ! mon cousin, je ne suis plus ce pauvre Béarnais qu’on voulait chasser du royaume ! Vous souvenez-vous du temps où nous étions à Arques, et que vous mandiez à Paris que vous m’aviez acculé au bord de la mer, et qu’il faudrait que je me précipitasse dedans pour pouvoir me sauver ?

Le duc. — Il est vrai ; mais il est vrai aussi que vous fûtes sur le point de céder à la mauvaise fortune, et que vous auriez pris le parti de vous retirer en Angleterre, si Biron ne vous eût représenté les suites d’un tel parti.

Henri. — Vous parlez franchement, mon cousin, et je ne le trouve point mauvais. Allez, ne craignez rien et dites tout ce que vous aurez sur le cœur.

Le duc. — Mais je n’en ai peut-être déjà que trop dit ; les rois ne veulent point qu’on nomme les choses par leurs noms. Ils sont accoutumés à la flatterie ; ils en font une partie de leur grandeur. L’honnête liberté avec laquelle on parle aux autres hommes les blesse ; ils ne veulent point qu’on ouvre la bouche que pour les louer et les admirer. Il ne faut pas les traiter en hommes ; il faut dire qu’ils sont toujours et partout des héros.

Henri. — Vous en parlez si savamment, qu’il paraît bien que vous en avez l’expérience. C’est ainsi que vous étiez flatté et encensé pendant que vous étiez le roi de Paris.

Le duc. — Il est vrai qu’on m’a amusé par