Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/418

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toires ; passer sa vie avec des feuillants, des minimes, des hiéronymitains, qu’on fait venir d’Espagne ; et de l’autre, passer sa vie avec ces infâmes mignons ; découper, coller des images, et se jeter en même temps dans les curiosités de la magie, dans l’impiété et dans la politique de Machiavel ; enfin courir la bague en femme, faire des repas avec vos mignons où vous étiez servi par des femmes nues et déchevelées ; puis faire le dévot et chercher partout des ermitages : quelle disproportion ! Aussi dit-on que votre médecin Miron assurait que cette humeur noire qui causait tant de bizarreries, ou vous ferait mourir bientôt, ou vous ferait tomber dans la folie.

Henri. — Tout cela était nécessaire pour ménager les esprits ; je donnais des plaisirs aux gens débauchés et de la dévotion aux dévots, pour les tenir tous.

La duchesse. — Vous les avez fort bien tenus. C’est ce qui a fait dire que vous n’étiez bon qu’à tondre et à faire moine.

Henri. — Je n’ai pas oublié ces ciseaux que vous montriez à tout le monde, disant que vous les portiez pour me tondre.

La duchesse. — Vous m’aviez assez outragée pour mériter cette insulte.

Henri. — Mais enfin que pouvais-je faire ? Il fallait ménager tous les partis.

La duchesse. — Ce n’est point les ménager que de montrer de la faiblesse, de la dissimulation et de l’hypocrisie de tous les côtés.

Henri. — Chacun parle bien à son aise : mais on a besoin de bien des gens quand on trouve tant de gens prêts à se révolter.