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LXIV

LOUIS XII ET FRANÇOIS PREMIER


Il vaut mieux être père de la patrie en gouvernant paisiblement son royaume, que de l’agrandir par des conquêtes.


Louis. — Mon cher cousin, dites-moi des nouvelles de la France. J’ai toujours aimé mes sujets comme mes enfants ; j’avoue que j’en suis en peine. Vous étiez bien jeune en toute manière quand je vous laissai la couronne. Comment avez-vous gouverné mon pauvre royaume ?

François. — J’ai eu quelques malheurs ; mais si vous voulez que je vous parle franchement, mon règne a donné à la France bien plus d’éclat que le vôtre.

Louis. — Hé, mon Dieu ! c’est cet éclat que j’ai toujours craint. Je vous ai connu dès votre enfance d’un naturel à ruiner les finances, à hasarder tout pour la guerre, à rien ne soutenir avec patience, à renverser le bon ordre au dedans de l’État, et à tout gâter pour faire parler de vous.

François. — C’est ainsi que les vieilles gens sont toujours préoccupés contre ceux qui doivent être leurs successeurs. Mais voici le fait. J’ai soutenu une horrible guerre contre Charles-Quint, empereur et roi d’Espagne. J’ai gagné en Italie les fameuses batailles de Marignan contre les Suisses, et de Cérisoles contre les Impériaux. J’ai vu le roi d’Angleterre ligué avec l’empereur contre la France, et j’ai rendu leurs efforts inutiles. J’ai cultivé les