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des gens de bien. Les laïques sages et bons politiques ne vous auraient jamais conseillé, pour la sûreté même de votre royaume, de changer l’ancienne religion, et de diviser vos sujets en plusieurs communions opposées. N’est-il pas ridicule que vous vous plaigniez de la tyrannie du pape, et que vous vous fassiez pape en sa place ; que vous vouliez réformer l’Église anglicane, et que cette réforme aboutisse à autoriser tous vos mariages monstrueux, et à piller tous les biens consacrés ? Vous n’avez achevé cet horrible ouvrage qu’en trempant vos mains dans le sang des personnes les plus vertueuses. Vous avez rendu votre mémoire à jamais odieuse, et vous avez laissé dans l’État une source de division éternelle. Voilà ce que c’est que d’écouter de méchants prêtres. Je ne dis point ceci par dévotion, vous savez que ce n’est pas là mon caractère ; je ne parle qu’en politique, comme si la religion était à compter pour rien. Mais, à ce que je vois, vous n’avez jamais fait que du mal.

Henri VIII. — Je n’ai pu éviter d’en faire. Le cardinal Renaud de La Poule[1] fit contre moi, avec les papistes, une conspiration. Il fallut bien punir les conjurés pour la sûreté de ma vie.

Henri VII. — Hé ! voilà le malheur qu’il y a à entreprendre des choses injustes. Quand on les a commencées on les veut soutenir. On passe pour tyran ; on est exposé aux conjurations. On soupçonne des innocents qu’on fait périr ; on trouve des coupables, et on les a faits tels : car le prince qui gouverne mal met ses sujets en tentation de lui manquer de fidélité. En cet état, un roi est malheu-

  1. Plus connu sous le nom du cardinal Nolus. (Éd.)