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Louis XII. — Je suis le duc d’Orléans, devenu roi sous le nom de Louis XII.

Louis XI. — Comment as-tu gouverné mon royaume ?

Louis XII. — Tout autrement que toi. Tu te faisais craindre ; je me suis fait aimer. Tu as commencé par charger les peuples ; je les ai soulagés, et j’ai préféré leur repos à la gloire de vaincre mes ennemis.

Louis XI. — Tu savais donc bien mal l’art de régner. C’est moi qui ai mis mes successeurs dans une autorité sans bornes ; c’est moi qui ai dissipé les ligues des princes et des seigneurs ; c’est moi qui ai levé des sommes immenses. J’ai découvert les secrets des autres ; j’ai su cacher les miens. La finesse, la hauteur et la sévérité sont les vraies maximes du gouvernement. J’ai grand’peur que tu auras tout gâté et que ta mollesse aura détruit tout mon ouvrage.

Louis XII. — J’ai montré, par les succès de mes maximes, que les tiennes étaient fausses et pernicieuses. Je me suis fait aimer ; j’ai vécu en paix sans manquer de parole, sans répandre de sang, sans ruiner mon peuple. Ta mémoire est odieuse ; la mienne est respectée. Pendant ma vie on m’a été fidèle ; après ma mort on me pleure, et on craint de ne trouver jamais un aussi bon roi. Quand on se trouve si bien de la générosité et de la bonne foi, on doit bien mépriser la cruauté et la finesse.

Louis XI. — Voilà une belle philosophie, que tu auras sans doute apprise dans cette longue prison où l’on m’a dit que tu as langui avant que de monter sur le trône.

Louis XII. — Cette prison a été moins honteuse