Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/390

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et à faire des pèlerinages où je prétendais toujours avoir été guéri. Vous avez fait mention de ma barrette chargée de petits saints et de ma petite Notre-Dame de plomb, que je baisais dès que je voulais faire un mauvais coup ; enfin de la croix de Saint-Lô, par laquelle je n’osais jurer sans vouloir garder mon serment, parce que j’aurais cru mourir dans l’année si j’y avais manqué. Tout cela est fort ridicule.

Commines. — Tout cela n’est-il pas vrai ? pouvais-je le taire ?

Louis. — Vous pouviez n’en rien dire.

Commines. — Vous pouviez n’en rien faire.

Louis. — Mais cela était fait, et il ne fallait pas le dire.

Commines. — Mais cela était fait, et je ne pouvais le cacher à la postérité.

Louis. — Quoi ! ne peut-on pas cacher certaines choses ?

Commines. — Hé ! croyez-vous qu’un roi puisse être caché après sa mort comme vous cachiez certaines intrigues pendant votre vie ? Je n’aurais rien sauvé pour vous par mon silence, et je me serais déshonoré. Contentez-vous que je pouvais dire bien pis et être cru ; mais je ne l’ai pas voulu faire.

Louis. — Quoi ! l’histoire ne doit-elle pas respecter les rois ?

Commines. — Les rois ne doivent-ils pas respecter l’histoire et la postérité, à la censure de laquelle ils ne peuvent échapper ? Ceux qui veulent qu’on ne parle pas mal d’eux n’ont qu’une seule ressource, qui est de bien faire.