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damentale de tous vos conseils, que vous aviez répandue dans toute votre cour, était de faire tout pour vous seul. Vous ne comptiez pour rien les princes de votre sang ; ni la reine, que vous teniez captive et éloignée ; ni le Dauphin, que vous éleviez dans l’ignorance et en prison ; ni le royaume, que vous désoliez par votre politique dure et cruelle, aux intérêts duquel vous préfériez sans cesse la jalousie pour l’autorité tyrannique : vous ne comptiez même pour rien les favoris et les ministres les plus affidés dont vous vous serviez pour tromper les autres. Vous n’en avez jamais aimé aucun ; vous ne vous êtes jamais confié à aucun d’eux que pour le besoin ; vous cherchiez à les tromper à leur tour, comme le reste des hommes ; vous étiez prêt à les sacrifier sur le moindre ombrage, ou pour la moindre utilité. On n’avait jamais un seul moment d’assuré avec vous ; vous vous jouiez de la vie des hommes. Vous n’aimiez personne : qui vouliez-vous qui vous aimât ? Vous vouliez tromper tout le monde : qui vouliez-vous qui se livrât à vous de bonne foi et de bonne amitié, et sans intérêt ? Cette fidélité désintéressée, où l’aurions-nous apprise ? La méritiez-vous ? l’espériez-vous ? la pouvait-on pratiquer auprès de vous et dans votre cour ? Aurait-on pu durer huit jours chez vous avec un cœur droit et sincère ? N’était-on pas forcé d’être un fripon dès qu’on vous approchait ? N’était-on pas déclaré scélérat dès qu’on parvenait à votre faveur, puisqu’on n’y parvenait jamais que par la scélératesse ? Ne deviez-vous pas le tenir pour dit ? Si on avait voulu conserver quelque honneur et quelque conscience, on se serait bien gardé d’être jamais