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Louis. — Pourquoi voulez-vous que je ne les aie pas choisis pour leur mérite ?

Balue. — Parce que le mérite vous était toujours suspect et odieux ; parce que la vertu vous faisait peur, et que vous n’en saviez faire aucun usage ; parce que vous ne vouliez vous servir que d’âmes basses et vénales, prêtes à entrer dans vos intrigues, dans vos tromperies, dans vos cruautés. Un homme honnête, qui aurait eu horreur de tromper et de faire du mal, ne vous aurait été bon à rien, à vous qui ne vouliez que tromper et que nuire, pour contenter votre ambition sans bornes. Puisqu’il faut parler franchement dans le pays de vérité, j’avoue que j’ai été un malhonnête homme ; mais c’était par là que vous m’aviez préféré à d’autres. Ne vous ai-je pas bien servi avec adresse pour jouer les grands et les peuples ? Avez-vous trouvé un fourbe plus souple que moi pour tous les personnages ?

Louis. — Il est vrai ; mais en trompant les autres pour m’obéir, il ne fallait pas me tromper moi-même : vous étiez d’intelligence avec le pape pour me faire abolir la Pragmatique, contre les véritables intérêts de la France.

Balue. — Hé ! vous êtes-vous jamais soucié ni de la France ni de ses véritables intérêts ? Vous n’avez jamais regardé que les vôtres. Vous vouliez tirer parti du pape, et lui sacrifier les canons pour votre intérêt : je n’ai fait que vous servir à votre mode.

Louis. — Mais vous m’aviez mis dans la tête toutes ces visions, contre l’intérêt véritable de ma couronne même, à laquelle était attachée ma véritable grandeur.