Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/382

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de finesse et de vivacité, vous aviez beaucoup de choses d’une tête un peu démontée. Ce n’était pas pour rien que vous étiez fils d’un homme qui s’était laissé mourir de faim, et petit-fils d’un autre qui avait été renfermé tant d’années. Votre fils même n’a la cervelle guère assurée ; et ce sera un grand honneur pour la France, si la couronne passe après lui dans une branche plus sensée.

Louis. — J’avoue que ma tête n’était pas tout à fait bien réglée ; j’avais des faiblesses, des visions noires, des emportements furieux : mais j’avais de la pénétration, du courage, de la ressource dans l’esprit, des talents pour gagner les hommes et pour accroître mon autorité ; je savais fort bien laisser à l’écart un pédant inutile à tout, et découvrir les qualités utiles dans les sujets les plus obscurs. Dans les langueurs mêmes de ma dernière maladie, je conservai encore assez de fermeté d’esprit pour travailler à faire une paix avec Maximilien. Il attendait ma mort et ne cherchait qu’à éluder la conclusion : par mes émissaires secrets, je soulevai les Gantois contre lui ; je le réduisis à faire malgré lui un traité de paix avec moi, où il me donnait, pour mon fils, Marguerite sa fille avec trois provinces. Voilà mon chef-d’œuvre de politique dans ces derniers jours où l’on me croyait fou. Allez, vieux pédant, allez chercher vos Grecs, qui n’ont jamais su autant de politique que moi : allez chercher vos savants, qui ne savent que lire et parler de leurs livres, qui ne savent ni agir ni vivre avec les hommes.

Bessarion. — J’aime encore mieux un savant qui n’est pas propre aux affaires, et qui ne sait que ce qu’il a lu, qu’un esprit inquiet, artificieux et entre-