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souviens comment vous voulûtes négocier : dès que je ne convenais pas de vos maximes, vous ne me donniez pour toute raison que des passages de Sophocle, de Lycophron et de Pindare. Je ne sais comment j’ai retenu ces noms, dont je n’avais jamais ouï parler qu’à vous : mais je les ai retenus à force d’être choqué de vos citations. Il était question des places de la Somme, et vous me citiez un vers de Ménandre ou de Callimaque. Je voulais demeurer uni aux Suisses et au duc de Lorraine contre le duc de Bourgogne ; vous me prouviez, par le Gorgias de Platon, que ce n’était pas mon véritable intérêt. Il s’agissait de savoir si le roi d’Angleterre serait pour ou contre moi ; vous m’alléguiez l’exemple d’Épaminondas. Enfin vous me consolâtes de n’avoir jamais guère étudié. Je disais en moi-même : « Heureux celui qui ne sait point tout ce que les autres ont dit, et qui sait un peu ce qu’il faut dire ! »

Bessarion. — Vous m’étonnez par votre mauvais goût. Je croyais que vous aviez assez bien étudié : on m’avait dit que le roi votre père vous avait donné un assez bon précepteur, et qu’ensuite vous aviez pris plaisir en Flandre, chez le duc de Bourgogne, à faire raisonner tous les jours les philosophes.

Louis. — J’étais encore bien jeune quand je quittai le roi mon père, et mon précepteur : je passai à la cour de Bourgogne, où l’inquiétude et l’ennui me réduisirent à écouter un peu quelques savants. Mais j’en fus bientôt dégoûté : ils étaient pédants et imbéciles ; comme vous, ils n’entendaient point les affaires ; ils ne connaissaient point les divers caractères des hommes ; ils ne