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. Vous aviez été voir le duc de Bourgogne mon vassal, avant que de venir chez moi ; il aurait bien mieux valu ne lire pas tant vos vieux auteurs, et savoir mieux les règles du siècle présent : vous vous conduisîtes comme un pédant qui n’a aucune connaissance du monde.

Bessarion. — J’avais pourtant étudié à fond les lois de Dracon, celles de Lycurgue et de Solon, les Lois et la République de Platon, tout ce qui nous reste des anciens rhéteurs qui gouvernaient le peuple ; enfin les meilleurs scoliastes d’Homère, qui ont parlé de la police d’une république.

Louis. — Et moi je n’ai jamais rien lu de tout cela : mais je sais bien qu’il ne fallait pas qu’un cardinal, envoyé par le pape pour faire rentrer le duc de Bourgogne dans mes bonnes grâces, allât le voir avant que de venir chez moi.

Bessarion. — J’avais cru pouvoir suivre l’usteron proteron des Grecs ; je savais même, par le philosophe, que ce qui est le premier quant à l’intention est le dernier quant à l’exécution.

Louis. — Oh ! laissons là votre philosophie : venons au fait.

Bessarion. — Je vois en vous toute la barbarie des Latins, chez qui la Grèce désolée, après la prise de Constantinople, a essayé en vain de défricher l’esprit et les lettres.

Louis. — L’esprit ne consiste que dans le bon sens, et point dans le grec ; la raison est de toutes les langues. Il fallait garder l’ordre et mettre le seigneur devant son vassal. Les Grecs, que vous vantez tant, n’étaient que des sots, s’ils ne savaient pas ce que savent les hommes les plus grossiers. Mais je ne puis m’empêcher de rire quand je me