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Anglais ses ennemis ; mais votre trahison et mon massacre mirent mon fils, quoiqu’il fût bon homme, dans une espèce de nécessité de venger ma mort, et de s’unir aux Anglais. Voilà le fruit de votre perfidie : c’était de former une ligue de la maison de Bourgogne avec la reine votre mère et avec les Anglais, pour renverser la monarchie française. La cruauté et la perfidie, bien loin de diminuer les périls, les augmentent sans mesure. Jugez-en par votre propre expérience : ma mort, en vous délivrant d’un ennemi, vous en fit de bien plus terribles, et mit la France dans un état cent fois plus déplorable. Toutes les provinces furent en feu ; toute la campagne était au pillage ; et il a fallu des miracles pour vous tirer de l’abîme où cet exécrable assassinat vous avait jeté. Après cela, vous venez encore me dire d’un ton décisif : « Assassiner est le plus sûr ! »

Charles. — J’avoue que vous m’embarrassez par le raisonnement, et je vois que vous êtes bien subtil en politique ; mais j’aurai ma revanche par les faits. Pourquoi croyez-vous qu’il n’est pas bon d’assassiner ? n’avez-vous pas fait assassiner mon oncle le duc d’Orléans ? Alors vous pensiez sans doute comme moi, et vous n’étiez pas encore si philosophe.

Le duc. — Il est vrai, et je m’en suis mal trouvé, comme vous voyez. Une bonne preuve que l’assassinat est un mauvais expédient est de voir combien il m’a réussi mal. Si j’eusse laissé vivre le duc d’Orléans, vous n’auriez jamais songé à m’ôter la vie, et je m’en serais fort bien trouvé. Celui qui commence de telles affaires doit prévoir qu’elles finiront par lui : dès qu’il entreprend sur la vie