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gouverner comme vous aviez gouverné les deux dauphins mes frères, qui étaient avant moi.

Le duc. — Mais, quoi ! assassiner ? Cela est infâme.

Charles. — Assassiner est le plus sûr.

Le duc. — Quoi ! dans un lieu où vous m’aviez attiré par les promesses les plus solennelles ! J’entre dans la barrière (il me semble que j’y suis encore) avec Noailles, frère du captal de Buch : ce perfide Tanneguy du Châtel me massacre inhumainement avec ce pauvre Noailles.

Charles. — Vous déclamerez tant qu’il vous plaira, mon cousin, je m’en tiens à ma première maxime : quand on a affaire à un homme aussi violent et aussi brouillon que vous l’étiez, assassiner est le plus sûr.

Le duc. — Le plus sûr ! vous n’y songez pas.

Charles. — J’y songe ; c’est le plus sûr, vous dis-je.

Le duc. — Est-ce le plus sûr de se jeter dans tous les périls où vous vous êtes précipité en me faisant périr ? Vous vous êtes fait plus de mal en me faisant assassiner, que je n’aurais pu vous en faire.

Charles. — Il y a bien à dire. Si vous ne fussiez mort, j’étais perdu, et la France avec moi.

Le duc. — Avais-je intérêt de ruiner la France ? Je voulais la gouverner, et point la détruire ni l’abattre ; il aurait mieux valu souffrir quelque chose de ma jalousie et de mon ambition. Après tout, j’étais de votre sang, et assez près de succéder à la couronne ; j’avais un très grand intérêt d’en conserver la grandeur. Jamais je n’aurais pu me résoudre à me liguer contre la France avec les