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pect aux tiens par une alliance avec les ennemis irréconciliables de l’Angleterre ! Et que t’ont-ils donné pour ce mariage ? as-tu joint le Poitou et la Touraine à la Guyenne, pour unir tous nos États de France jusqu’à la Normandie ?

Richard. — Nullement ; mais j’ai cru qu’il était bon d’avoir hors de l’Angleterre un appui contre les Anglais factieux.

Le prince. — Ô malheur de l’État ! ô déshonneur de la maison royale ! tu vas mendier le secours de tes ennemis, qui auront toujours un intérêt capital de rabaisser ta puissance ! Tu veux affermir ton règne en prenant des intérêts contraires à la grandeur de ta propre nation ! Tu ne te contentes pas d’être aimé de tes sujets comme leur père ; tu veux être craint comme un ennemi qui s’entend avec les étrangers pour les opprimer ! Hélas ! que sont devenus ces beaux jours où je mis en fuite le roi de France dans les plaines de Créci, inondées du sang de trente mille Français, et où je pris un autre roi de cette nation aux portes de Poitiers ? Oh que les temps sont changés ! Non, je ne m’étonne plus qu’on t’ait pris pour le fils d’un chanoine. Mais qui est-ce qui t’a détrôné ?

Richard. — Le comte d’Erby.

Le prince. — Comment ? a-t-il assemblé une armée ? a-t-il gagné une bataille ?

Richard. — Rien de tout cela. Il était en France à cause d’une querelle avec le grand maréchal, pour laquelle je l’avais chassé : l’archevêque de Cantorbéry y passa secrètement, pour l’inviter à entrer dans une conspiration. Il passa par la Bretagne, arriva à Londres pendant que je n’y étais pas, trouva le peuple prêt à se soulever. La