Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/367

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une certaine lumière douce et vive qui vient d’en haut. Au-dessus de cette ville paraît ce que l’on voit presque toujours au-dessus des villes dans un beau temps : c’est une fumée qui s’élève, et qui fait fuir les montagnes qui font le lointain. Ces montagnes, de figure bizarre, varient l’horizon, en sorte que les yeux sont contents.

Léonard. — Ce tableau, sur ce que vous m’en dites, me paraît moins savant que celui de Phocion.

Poussin. — Il y a moins de science d’architecture, il est vrai ; d’ailleurs on n’y voit aucune connaissance de l’antiquité : mais en revanche la science d’exprimer les passions y est assez grande ; de plus, tout ce paysage a des grâces et une tendresse que l’autre n’égale point.

Léonard. — Vous seriez donc, à tout prendre, pour ce dernier tableau ?

Poussin. — Sans hésiter, je le préfère ; mais vous, qu’en pensez-vous sur ma relation ?

Léonard. — Je ne connais pas assez le tableau de Phocion pour le comparer. Je vois que vous avez assez étudié les bons modèles du siècle passé, et mes livres ; mais vous louez trop vos ouvrages.

Poussin. — C’est vous qui m’avez contraint d’en parler : mais sachez que ce n’est ni dans vos livres ni dans les tableaux du siècle passé que je me suis instruit ; c’est dans les bas-reliefs antiques, où vous avez étudié aussi bien que moi. Si je pouvais un jour retourner parmi les vivants, je peindrais bien la jalousie, car vous m’en donnez ici d’excellents modèles. Pour moi, je ne prétends vous rien ôter de votre science ni de votre gloire ; mais je vous céderais avec plus de plaisir, si vous étiez moins entêté de votre rang. Allons trouver