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un âne à la ville voisine, et qui est suivie de deux hommes. Aussitôt on s’imagine voir ces bonnes gens qui, dans leur simplicité rustique, vont porter aux villes l’abondance des champs qu’ils ont cultivés. Dans le même coin gauche paraît au-dessus du bocage une montagne assez escarpée, sur laquelle est un château.

Léonard. — Le côté gauche de votre tableau me donne de la curiosité de voir le côté droit.

Poussin. — C’est un petit coteau qui vient en pente sensible jusqu’au bord de la rivière. Sur cette pente on voit en confusion des arbrisseaux et des buissons sur un terrain inculte. Au-devant de ce coteau sont plantés de grands arbres, entre lesquels on aperçoit la campagne, l’eau et le ciel.

Léonard. — Mais ce ciel, comment l’avez-vous fait ?

Poussin. — Il est d’un bel azur, mêlé de nuages clairs qui semblent être d’or et d’argent.

Léonard. — Vous l’avez fait ainsi, sans doute, pour avoir la liberté de disposer à votre gré de la lumière, et pour la répandre sur chaque objet selon vos desseins.

Poussin. — Je l’avoue ; mais vous devez avouer aussi qu’il paraît par là que je n’ignore point vos règles que vous vantez tant.

Léonard. — Qu’y a-t-il dans le milieu de ce tableau au delà de cette rivière ?

Poussin. — Une ville dont j’ai déjà parlé. Elle est dans un enfoncement, où elle se perd ; un coteau plein de verdure en dérobe une partie. On voit de vieilles tours, des créneaux, de grands édifices, et une confusion de maisons dans une ombre très forte ; ce qui relève certains endroits éclairés par