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ce dessin ? Est-ce une histoire ? je ne la connais pas. C’est plutôt un caprice.

Poussin. — C’est un caprice. Ce genre d’ouvrage nous sied fort bien, pourvu que le caprice soit réglé, et qu’il ne s’écarte en rien de la vraie nature. On voit au côté gauche quelques grands arbres qui paraissent vieux, et tels que ces anciens chênes qui ont passé autrefois pour les divinités d’un pays. Leurs tiges vénérables ont une écorce rude et âpre qui fait fuir un bocage tendre et naissant, placé derrière. Ce bocage a une fraîcheur délicieuse ; on voudrait y être. On s’imagine un été brûlant, qui respecte ce bois sacré. Il est planté le long d’une eau claire, et semble se mirer dedans. On voit d’un côté un vert enfoncé ; de l’autre une eau pure, où l’on découvre le sombre azur d’un ciel serein. Dans cette eau se présentent divers objets qui amusent la vue, pour la délasser de tout ce qu’elle a vu d’affreux. Sur le devant du tableau, les figures sont toutes tragiques. Mais dans ce fond tout est paisible, doux et riant : ici on voit de jeunes gens qui se baignent et qui se jouent en nageant ; là, des pêcheurs dans un bateau : l’un se penche en avant et semble prêt à tomber, c’est qu’il tire un filet ; deux autres, penchés en arrière, rament avec effort. D’autres sont sur le bord de l’eau, et jouent à la mourre : il paraît dans les visages que l’un pense à un nombre pour surprendre son compagnon, qui paraît être attentif, de peur d’être surpris. D’autres se promènent au delà de cette eau sur un gazon frais et tendre. En les voyant dans un si beau lieu, peu s’en faut qu’on n’envie leur bonheur. On voit assez loin une femme qui va sur