Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/364

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le serpent autour de l’homme mort, il s’arrête soudainement ; un de ses pieds demeure suspendu ; il lève un bras en haut, l’autre tombe en bas ; mais les deux mains s’ouvrent, elles marquent la surprise et l’horreur.

Léonard. — Ce second objet, quoique triste, ne laisse pas d’animer le tableau, et de faire un certain plaisir semblable à ceux que goûtaient les spectateurs de ces anciennes tragédies où tout inspirait la terreur et la pitié : mais nous verrons bientôt si vous avez…

Poussin. — Ah ! ah ! vous commencez à vous humaniser un peu : mais attendez la suite, s’il vous plaît ; vous jugerez selon vos règles quand j’aurai tout dit. Là auprès est un grand chemin, sur le bord duquel paraît une femme qui voit l’homme effrayé, mais qui ne saurait voir l’homme mort, parce qu’elle est dans un enfoncement, et que le terrain fait une espèce de rideau entre elle et la fontaine. La vue de cet homme effrayé fait en elle un contre-coup de terreur. Ces deux frayeurs sont, comme on dit, ce que les douleurs doivent être : les grandes se taisent, les petites se plaignent. La frayeur de cet homme le rend immobile : celle de cette femme, qui est moindre, est plus marquée par la grimace de son visage ; on voit en elle une peur de femme, qui ne peut rien retenir, qui exprime toute son alarme, qui se laisse aller à ce qu’elle sent ; elle tombe assise, elle laisse tomber et oublie ce qu’elle porte ; elle tend les bras et semble crier. N’est-il pas vrai que ces divers degrés de crainte et de surprise font une espèce de jeu qui touche et plaît ?

Léonard. — J’en conviens. Mais qu’est-ce que