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LIII

LÉONARD DE VINCI ET POUSSIN


Description d’un paysage peint par le Poussin


Léonard. — Votre conversation avec Parrhasius fait beaucoup de bruit en ce bas monde ; on assure qu’il est prévenu en votre faveur, et qu’il vous met au-dessus de tous les peintres italiens. Mais nous ne souffrirons jamais…

Poussin. — Le croyez-vous si facile à prévenir ? Vous lui faites tort ; vous vous faites tort à vous-même, et vous me faites trop d’honneur.

Léonard. — Mais il m’a dit qu’il ne connaissait rien de si beau que le tableau que vous lui aviez représenté. À quel propos offenser tant de grands hommes pour en louer un seul, qui…

Poussin. — Mais pourquoi croyez-vous qu’on vous offense en louant les autres ? Parrhasius n’a point fait de comparaison. De quoi vous fâchez-vous ?

Léonard. — Oui, vraiment, un petit peintre français, qui fut contraint de quitter sa patrie pour aller gagner sa vie à Rome !

Poussin. — Oh ! puisque vous le prenez par là, vous n’aurez pas le dernier mot. Eh bien ! je quittai la France, il est vrai, pour aller vivre à Rome, où j’avais étudié les modèles antiques, et où la peinture était plus en honneur qu’en mon pays : mais enfin, quoique étranger, j’étais admiré dans Rome. Et vous, qui étiez Italien, ne fûtes-vous pas obligé d’abandonner votre pays, quoique la peinture y