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esclaves est vieux ; il est enveloppé dans une draperie négligée : le nu des bras et des jambes montre un homme fort et nerveux ; c’est une carnation qui marque un corps endurci au travail. L’autre est jeune, couvert d’une tunique qui fait des plis assez gracieux. Les deux attitudes sont différentes dans la même action ; et les deux airs des têtes sont fort variés, quoiqu’ils soient tous deux serviles.

Parrhasius. — Bon ; l’art n’imite bien la nature qu’autant qu’il attrape cette variété infinie dans ses ouvrages. Mais le mort…

Poussin. — Le mort est caché sous une draperie confuse qui l’enveloppe. Cette draperie est négligée et pauvre. Dans ce convoi tout est capable d’exciter la pitié et la douleur.

Parrhasius. — On ne voit donc point le mort ?

Poussin. — On ne laisse point de remarquer sous cette draperie confuse la forme de la tête et de tout le corps. Pour les jambes, elles sont découvertes ; on y peut remarquer non seulement la couleur flétrie de la chair morte, mais encore la roideur et la pesanteur des membres affaissés. Ces deux esclaves qui emportent ce corps le long d’un grand chemin trouvent à côté du chemin de grandes pierres taillées en carré, dont quelques-unes sont élevées en ordre au-dessus des autres, en sorte qu’on croit voir les ruines de quelque majestueux édifice. Le chemin paraît sablonneux et battu.

Parrhasius. — Qu’avez-vous mis aux deux côtés de ce tableau, pour accompagner vos figures principales ?

Poussin. — Au côté droit sont deux ou trois arbres dont le tronc est d’une écorce âpre et