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nés de lauriers, ils entendent chanter leurs vers ; mais ils n’en font plus.

Virgile. — J’apprends avec joie que les vôtres sont encore, après tant de siècles, les délices des gens de lettres. Vous ne vous trompiez pas quand vous disiez dans vos Odes, d’un ton si assuré : « Je ne mourrai pas tout entier. »

Horace. — Mes ouvrages ont résisté au temps, il est vrai ; mais il faut vous aimer autant que je le fais pour n’être point jaloux de votre gloire. On vous place d’abord après Homère.

Virgile. — Nos muses ne doivent point être jalouses l’une de l’autre ; leurs genres sont si différents ! Ce que vous avez de merveilleux, c’est la variété. Vos Odes sont tendres, gracieuses, souvent véhémentes, rapides, sublimes. Vos Satires sont simples, naïves, courtes, pleines de sel ; on y trouve une profonde connaissance de l’homme, une philosophie très sérieuse, avec un tour plaisant qui redresse les mœurs des hommes et qui les instruit en se jouant. Votre Art poétique montre que vous aviez toute l’étendue des connaissances acquises, et toute la force de génie nécessaire pour exécuter les plus grands ouvrages, soit pour le poème épique, soit pour la tragédie.

Horace. — C’est bien à vous à parler de variété, vous qui avez mis dans vos Églogues la tendresse naïve de Théocrite ! Vos Géorgiques sont pleines des peintures les plus riantes ; vous embellissez et vous passionnez toute la nature. Enfin, dans votre Énéide, le bel ordre, la magnificence, la force et la sublimité d’Homère éclatent partout.

Virgile. — Mais je n’ai fait que le suivre pas à pas.