Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux une fin assez malheureuse et dans la fleur de notre jeunesse.

Néron. — Il faut dire la vérité ; peu de gens étaient intéressés à faire des vœux pour nous et à nous souhaiter une longue vie. On passe mal son temps à se croire toujours entre des poignards.

Caligula. — De la manière que tu en parles, tu ferais croire que si tu retournais au monde, tu changerais de vie.

Néron. — Point du tout, je ne pourrais gagner sur moi de me modérer. Vois-tu bien, mon pauvre ami (et tu l’as senti aussi bien que moi), c’est une étrange chose que de pouvoir tout. Quand on a la tête un peu faible, elle tourne bien vite dans cette puissance sans bornes. Tel serait sage dans une condition médiocre, qui devient fou quand il est le maître du monde.

Caligula. — Cette folie serait bien jolie si elle n’avait rien à craindre ; mais les conjurations, les troubles, les remords, les embarras d’un grand empire gâtent le métier. D’ailleurs la comédie est courte ; ou plutôt c’est une horrible tragédie qui finit tout à coup. Il faut venir compter ici avec ces trois vieillards chagrins et sévères, qui n’entendent point raillerie et qui punissent comme des scélérats ceux qui se faisaient adorer sur la terre. Je vois venir Domitien, Commode, Caracalla et Héliogabale, chargés de chaînes, qui vont passer leur temps aussi mal que nous.