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reux ! tu as tout perdu en me parlant. Que je regrette ce que tu pouvais faire !

Ménas. — Si vous le regrettez, pourquoi ne le permettez-vous pas ? Et si vous ne le pouvez permettre, pourquoi le regrettez-vous ? Si la chose est bonne, il faut la vouloir hardiment et n’en faire point de façons ; si elle est mauvaise, pourquoi vouloir qu’elle fût faite et ne vouloir pas qu’on la fasse ? Vous êtes contraire à vous-même. Un fantôme de vertu vous rend ombrageux ; et vous me faites bien sentir la vérité de ce qu’on dit, qu’il faut une âme forte pour oser faire les grands crimes.

Pompée. — Il est vrai, Ménas ; je ne suis ni assez bon pour ne vouloir pas profiter d’un crime, ni assez méchant pour oser le commettre moi-même. Je me vois dans un entre-deux qui n’est ni vertu ni vice. Ce n’est pas le vrai honneur, c’est une mauvaise honte qui me retient. Je ne puis autoriser un traître ; et je n’aurais point d’horreur de la trahison, si elle était faite pour me rendre maître du monde.




XLIX

CALIGULA ET NÉRON


Dangers du pouvoir absolu dans un souverain qui a la tête faible


Caligula. — Je suis ravi de te voir : tu es une rareté. On a voulu me donner de la jalousie contre