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tu demandes une réponse ! Dis donc, si tu veux ; parle clairement.

Ménas. — Vous avez là Octave et Antoine couchés à cette table dans votre vaisseau ; ils ne songent qu’à faire bonne chère.

Pompée. — Crois-tu que je n’ai pas des yeux pour les voir ?

Ménas. — Mais vous avez des oreilles pour m’entendre ? Le beau coup de filet !

Pompée. — Quoi ! voudrais-tu que je les trahisse ? Moi, manquer à la foi donnée à mes ennemis ! Le fils du grand Pompée agir en scélérat ! Ah ! Ménas, tu me connais mal.

Ménas. — Vous m’entendez encore plus mal ; ce n’est pas vous qui devez faire ce coup. Voilà la main qui le prépare. Tenez votre parole en grand homme, et laissez faire Ménas, qui n’a rien promis.

Pompée. — Mais tu veux que je te laisse faire, moi à qui on s’est confié ? Tu veux que je le sache, et que je le souffre ? Ah ! Ménas, mon pauvre Ménas, pourquoi me l’as-tu dit ? Il fallait le faire sans me le dire.

Ménas. — Mais vous n’en saurez rien. Je couperai la corde des ancres ; nous irons en pleine mer ; les deux tyrans de Rome sont dans vos mains. Les mânes de votre père seront vengées des deux héritiers de César. Rome sera en liberté. Qu’un vain scrupule ne vous arrête pas ; Ménas n’est pas Pompée. Pompée sera fidèle à sa parole, généreux, tout couvert de gloire ; Ménas l’affranchi, Ménas fera le crime, et le vertueux Pompée en profitera.

Pompée. — Mais Pompée ne peut savoir le crime et le permettre sans y participer. Ah ! malheu-