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l’oreille. Avais-je été battu, la biche me parlait pour déclarer que les dieux allaient relever mon parti. La biche ordonnait aux habitants du pays de me donner toutes leurs forces, faute de quoi la peste et la famine devaient les désoler. Ma biche était-elle perdue depuis quelques jours, et ensuite retrouvée secrètement, je la faisais tenir bien cachée, et je déclarais par un pressentiment ou sur quelque présage qu’elle allait revenir ; après quoi je la faisais rentrer dans le camp, où elle ne manquait pas de me rapporter des nouvelles de vous autres dieux. Enfin ma biche faisait tout, et elle seule réparait tous mes malheurs.

Mercure. — Cet animal t’a bien servi. Mais tu nous servais mal : car de telles impostures décrient les immortels et font grand tort à tous nos mystères. Franchement, tu étais un impie.

Sertorius. — Je ne l’étais pas plus que Numa avec sa nymphe Égérie, que Lycurgue et Solon avec leur commerce secret des dieux, que Socrate avec son esprit familier, enfin que Scipion avec sa façon mystérieuse d’aller au Capitole consulter Jupiter, qui lui inspirait toutes ses entreprises de guerre contre Carthage. Tous ces gens-là ont été aussi imposteurs que moi.

Mercure. — Mais ils ne l’étaient que pour établir de bonnes lois, ou pour rendre la patrie victorieuse.

Sertorius. — Et moi pour me défendre contre le parti du tyran Sylla, qui avait opprimé Rome, et qui avait envoyé des citoyens changés en esclaves, pour me faire périr comme le dernier soutien de la liberté.

Mercure. — Quoi donc ! la république entière,