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Pompée et Métellus. Métellus était mou, appesanti, incertain, trop vieux et usé ; il perdait les occasions décisives par sa lenteur. Pompée était, au contraire, sans expérience. Avec des barbares ramassés, je me jouais de ces deux capitaines et de leurs légions.

Mercure. — Je ne m’en étonne pas. On dit que tu étais magicien, que tu avais une biche qui venait dans ton camp te dire tous les desseins de tes ennemis, et tout ce que tu pouvais entreprendre contre eux.

Sertorius. — Tandis que j’ai eu besoin de ma biche, je n’en ai découvert le secret à personne : mais maintenant, que je ne puis plus m’en servir, j’en dirai tout haut le mystère.

Mercure. — Eh bien ! était-ce quelque enchantement ?

Sertorius. — Point du tout. C’était une sottise qui m’a plus servi que mon argent, que mes troupes, que les débris du parti de Marius contre Sylla, que j’avais recueillis dans un coin des montagnes d’Espagne et de Lusitanie. Une illusion faite bien à propos mène loin les peuples crédules.

Mercure. — Mais cette illusion n’était-elle pas bien grossière ?

Sertorius. — Sans doute : mais les peuples pour qui elle était préparée étaient encore plus grossiers.

Mercure. — Quoi ! ces barbares croyaient tout ce que tu racontais de ta biche ?

Sertorius. — Tout, et il ne tenait qu’à moi d’en dire encore davantage ; ils l’auraient cru. Avais-je découvert par des coureurs ou des espions la marche des ennemis, c’était la biche qui me l’avait dit à