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fant que cet homme puissant et emporté. En cela je me trompai, car vous étiez plus dangereux que lui. Mais enfin vous me devez votre fortune. Que ne disais-je point au sénat, pendant ce siège de Modène où les deux consuls Hirtius et Pansa, victorieux, périrent ! Leur victoire ne servit qu’à vous mettre à la tête de l’armée. C’était moi qui avais fait déclarer la république contre Antoine par mes harangues, qu’on a nommées Philippiques. Au lieu de combattre pour ceux qui vous avaient mis les armes à la main, vous vous unîtes lâchement avec votre ennemi Antoine et avec Lépide, le dernier des hommes, pour mettre Rome dans les fers. Quand ce monstrueux triumvirat fut formé, vous vous demandâtes des têtes les uns aux autres. Chacun, pour obtenir des crimes de son compagnon, était obligé d’en commettre. Antoine fut contraint de sacrifier à votre vengeance L. César, son propre oncle, pour obtenir de vous ma tête : vous m’abandonnâtes indignement à sa fureur.

Auguste. — Il est vrai ; je ne pus résister à un homme dont j’avais besoin pour me rendre maître du monde. Cette tentation est violente, et il faut l’excuser.

Cicéron. — Il ne faut jamais excuser une si noire ingratitude. Sans moi, vous n’auriez jamais paru dans le gouvernement de la république. Oh que j’ai de regret aux louanges que je vous ai données ! Vous êtes devenu un tyran cruel ; vous n’étiez qu’un ami trompeur et perfide.

Auguste. — Voilà un torrent d’injures. Je crois que vous allez faire contre moi une Philippique plus véhémente que celles que vous avez faites contre Antoine.