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À l’âge de vingt-cinq ans j’avais déjà triomphé. J’ai vaincu Sertorius, Mithridate, les pirates de Cilicie. Ces trois triomphes m’ont attiré mille envieux. Je fais sans cesse des largesses ; je donne des spectacles ; j’attire par mes bienfaits des clients innombrables : tout cela n’apaise point l’envie. Ce chagrin Caton refuse même mon alliance. Mille autres me traversent dans mes desseins. Mon beau-père, que pensez-vous là-dessus ? Vous ne dites rien.

César. — Je pense que vous prenez de fort mauvais moyens pour gouverner la république.

Pompée. — Comment donc ! que voulez-vous dire ? en savez-vous de meilleurs que de donner à pleines mains aux particuliers pour enlever tous les suffrages, et que tenir tout le peuple par des gladiateurs, par des combats de bêtes farouches, par des mesures de blé et de vin, enfin d’avoir beaucoup de clients zélés par des sportules[1] que je donne ? Marius, Cinna, Fimbria, Sylla, tous les autres les plus habiles, n’ont-ils pas pris ce chemin ?

César. — Tout cela ne va point au but, et vous n’y entendez rien. Catilina était de meilleur sens que tous ces gens-là.

Pompée. — En quoi ? Vous me surprenez ; je crois que vous voulez rire.

César. — Non, je ne ris point : je ne fus jamais si sérieux.

Pompée. — Quel est donc votre secret pour

  1. On appelait ainsi, chez les Romains, des corbeilles pleines de viandes et de fruits que les grands donnaient à ceux qui venaient le matin leur faire la cour ; on faisait aussi ce présent en argent, et il conservait le même nom. (Éd.)