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Lucullus. — Mais, quoi ! ces grandes murènes, ces poules d’Ionie, ces jeunes paons si tendres, ces sangliers tout entiers, ces olives de Vénafre, ces vins de Massique, de Cécube, de Falerne, de Chio ! J’admirai ces tables de citronnier de Numidie, ces lits d’argent couverts de pourpre.

Crassus. — Tout cela n’était pas trop pour vous.

Lucullus. — Et ces jeunes garçons si bien frisés qui donnaient à boire ! ils servaient du nectar, et c’étaient autant de Ganymèdes.

Crassus. — Eussiez-vous voulu être servi par des eunuques vieux et laids, ou par des esclaves de Sardaigne ? De tels objets salissent un repas.

Lucullus. — Il est vrai ; mais où aviez-vous pris ce joueur de flûte, et cette jeune Grecque avec sa lyre dont les accords égalent ceux d’Apollon même ? Elle était gracieuse comme Vénus et passionnée dans le chant de ses odes comme Sapho.

Crassus. — Je savais combien vous aviez l’oreille délicate.

Lucullus. — Mais enfin je reviens d’Asie, où l’on apprend à raffiner sur les plaisirs. Mais pour vous, qui n’êtes pas encore parti pour y aller, comment pouvez-vous en savoir tant ?

Crassus. — Votre exemple m’a instruit ; vous donnez du goût à ceux qui vous fréquentent.

Lucullus. — Mais je ne peux revenir de mon étonnement sur ces synthèses[1] des plus fines étoffes de Cos, avec des ornements phrygiens d’or et d’argent, dont elles étaient bordées ; chaque convié avait la sienne, et on en a encore trouvé de reste

  1. Robes dont on se servait dans les festins. (Éd.)