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aux Gaulois, nos anciens ennemis, vous fit passer les Pyrénées. La victoire que vous remportâtes sur nous au bord du Rhône vous encouragea à passer les Alpes ; vous y perdîtes beaucoup de soldats, de chevaux et d’éléphants. Quand vous fûtes passé, vous défîtes sans peine nos troupes étonnées, que vous surprîtes à Ticinum. Une victoire en attire une autre, en consternant les vaincus et en procurant aux vainqueurs beaucoup d’alliés ; car tous les peuples du pays se donnent en foule aux plus forts.

Annibal. — Mais la bataille de Trébie, qu’en pensez-vous ?

Scipion. — Elle vous coûta peu, venant après tant d’autres. Après cela vous fûtes le maître de l’Italie. Trasimène et Cannes furent plutôt des carnages que des batailles. Vous perçâtes toute l’Italie. Dites la vérité, vous n’aviez pas d’abord espéré de si grands succès.

Annibal. — Je ne savais pas bien jusqu’où je pourrais aller ; mais je voulais tenter la fortune. Je déconcertai les Romains par un coup si hardi et si imprévu. Quand je trouvai la fortune si favorable, je crus qu’il fallait en profiter ; le succès me donna des desseins que je n’aurais jamais osé concevoir.

Scipion. — Eh bien ! n’est-ce pas ce que je disais ? La Sicile, l’Espagne, l’Italie n’étaient plus rien pour vous. Les Grecs, avec lesquels vous vous étiez ligués, auraient bientôt subi votre joug.

Annibal. — Mais, vous qui parlez, n’avez-vous pas fait précisément ce que vous nous reprochez d’avoir été capables de faire ? L’Espagne, la Sicile, Carthage même et l’Afrique ne furent rien ;