Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux peuples prétendants. Voilà à quoi se bornait votre ambition.

Annibal. — Point du tout. Nous avions encore nos prétentions du côté de l’Espagne. Carthage la Neuve nous donnait en ce pays-là un empire presque égal à celui de l’ancienne au milieu de l’Afrique.

Scipion. — Tout cela est vrai. Mais c’était par quelque port pour vos marchandises que vous aviez commencé à vous établir sur les côtes d’Espagne ; les facilités que vous y trouvâtes vous donnèrent peu à peu la pensée de conquérir ces vastes régions.

Annibal. — Dès le temps de notre première guerre contre les Romains, nous étions puissants en Espagne, et nous en aurions été bientôt les maîtres sans votre république.

Scipion. — Enfin, le traité que nous conclûmes avec les Carthaginois les obligeait à renoncer à tous les pays qui sont entre les Pyrénées et l’Èbre.

Annibal. — La force nous réduisit à cette paix honteuse ; nous avions fait des pertes infinies sur terre et sur mer. Mon père ne songea qu’à nous relever après cette chute. Il me fit jurer sur les autels, à l’âge de neuf ans, que je serais jusqu’à la mort ennemi des Romains. Je le jurai ; je l’ai accompli. Je suivis mon père en Espagne ; après sa mort je commandai l’armée carthaginoise, et vous savez ce qui arriva.

Scipion. — Oui, je le sais, et vous le savez bien aussi à vos dépens. Mais si vous fîtes bien du chemin, c’est que vous trouvâtes la fortune qui venait partout au-devant de vous pour vous solliciter à la suivre. L’espérance de vous joindre