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Ces paroles sont ridicules dans la bouche d’un homme grave.

Rhadamanthe. — Que réponds-tu, Caton, à ce qu’il te reproche ?

Caton. — Que j’ai en effet soutenu la république romaine contre la mollesse et le faste des femmes qui en corrompaient les mœurs ; que j’ai tenu les grands dans la crainte des lois ; que j’ai pratiqué moi-même ce que j’ai enseigné aux autres ; et que la république ne m’a pas soutenu de même contre les gens qui n’étaient mes ennemis qu’à cause que je les avais attaqués pour l’intérêt de la patrie. Comme mon bien de campagne était dans le voisinage de celui de Manius Curius, je me proposai dès ma jeunesse d’imiter ce grand homme pour la simplicité des mœurs ; pendant que d’un autre côté je me proposais Démosthène pour mon modèle d’éloquence. On m’appelait même le Démosthène latin. On me voyait tous les jours marchant nu avec mes esclaves, pour aller labourer la terre. Mais ne croyez pas que cette application à l’agriculture et à l’éloquence me détournât de l’art militaire. Dès l’âge de dix-sept ans je me montrai intrépide dans les guerres contre Annibal. Bientôt mon corps fut tout couvert de cicatrices. Quand je fus envoyé préteur en Sardaigne, je rejetai le luxe que tous les autres préteurs avaient introduit avant moi ; je ne songeai qu’à soulager le peuple, qu’à maintenir le bon ordre, qu’à rejeter tous les présents. Ayant été fait consul, je gagnai, en Espagne, au deçà du Bœtis, une bataille contre les barbares. Après cette victoire, je pris plus de villes en Espagne que je n’y demeurai de jours.

Scipion. — Autre vanterie insupportable. Mais