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Lucius, qui était un brigand. Laissons là cette guerre d’Afrique, où tu fus plus heureux que sage. Venons au fait. N’est-ce pas une chose indigne que tu aies arraché à la république un commandement d’armée pour ton frère, qui en était incapable ? Tu promis de le suivre, et de servir sous lui ; tu étais son pédagogue. Dans cette guerre contre Antiochus, ton frère fit toutes sortes d’injustices et de concussions. Tu fermais les yeux pour ne les pas voir ; la passion fraternelle t’avait aveuglé.

Scipion. — Mais quoi ! cette guerre ne finit-elle pas glorieusement ? Le grand Antiochus fut défait, chassé et repoussé des côtes d’Asie. C’est le dernier ennemi qui ait pu nous disputer la suprême puissance. Après lui tous les royaumes venaient tomber les uns sur les autres aux pieds des Romains.

Caton. — Il est vrai qu’Antiochus pouvait bien les embarrasser, s’il eût cru les conseils d’Annibal ; mais il ne fit que s’amuser, que se déshonorer par d’infâmes plaisirs. Il épousa dans sa vieillesse une jeune Grecque. Philopœmen disait alors que s’il eût été préteur des Achéens, il eût voulu sans peine défaire toute l’armée d’Antiochus en la surprenant dans les cabarets. Ton frère, et toi, Scipion, vous n’eûtes pas grand’peine à vaincre des ennemis qui s’étaient déjà ainsi vaincus eux-mêmes par leur mollesse.

Scipion. — La puissance d’Antiochus était pourtant formidable.

Caton. — Mais revenons à notre affaire. Lucius, ton frère, n’a-t-il pas enlevé, pillé, ravagé ? Oserais-tu dire qu’il a gouverné en homme de bien ?

Scipion. — Après ma mort, tu as eu la dureté de