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XXXVII

RHADAMANTHE, CATON LE CENSEUR, ET SCIPION L’AFRICAIN


Les plus grandes vertus sont gâtées par une humeur chagrine et caustique


Rhadamanthe. — Qui es-tu donc, vieux Romain ? Dis-moi ton nom. Tu as la physionomie assez mauvaise, un visage dur et rébarbatif. Tu as l’air d’un vilain rousseau ; du moins, je crois que tu l’as été pendant ta jeunesse. Tu avais, si je ne me trompe, plus de cent ans quand tu es mort.

Caton. — Point : je n’en avais que quatre-vingt-dix, et j’ai trouvé ma vie bien courte ; car j’aimais fort à vivre, et je me portais à merveille. Je m’appelle Caton. N’as-tu point ouï parler de moi, de ma sagesse, de mon courage contre les méchants ?

Rhadamanthe. — Ho ! je te reconnais sans peine, sur le portrait qu’on m’avait fait de toi. Le voilà tout juste, cet homme toujours prêt à se vanter et à mordre les autres. Mais j’ai un procès à régler entre toi et le grand Scipion, qui vainquit Annibal. Holà, Scipion ! hâtez-vous de venir ; voici Caton qui arrive enfin ; je prétends juger tout à l’heure votre vieille querelle. Çà, que chacun défende sa cause.

Scipion. — Pour moi, j’ai à me plaindre de la jalousie maligne de Caton ; elle était indigne de sa haute réputation. Il se joignit à Fabius Maximus, et ne fut son ami que pour m’attaquer. Il voulait m’empêcher de passer en Afrique. Ils étaient tous