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Fabius. — Vous craigniez l’envie et la jalousie de vos concitoyens.

Camillus. — N’avais-je pas raison ? Plus on pratique la vertu au-dessus des autres, plus on doit craindre d’irriter leur jalousie ; d’ailleurs je devais cette déférence à la république. Mais enfin on ne voulut point décider, on me renvoya les ambassadeurs ; et je finis l’affaire comme je l’avais commencée, par un procédé généreux. Je laissai les Falériens en liberté se gouverner eux-mêmes selon leurs lois ; je fis avec eux une paix juste et honorable pour leur ville.

Fabius. — J’ai ouï dire que les soldats de votre armée furent bien irrités de cette paix ; car ils espéraient un grand pillage.

Camillus. — Ne devais-je pas préférer la gloire de Rome et mon honneur à l’avarice des soldats ?

Fabius. — J’en conviens. Mais revenons à notre question. Vous ne savez peut-être pas que j’ai donné des marques de probité plus fortes que l’affaire de votre maître d’école ?

Camillus. — Non, je ne le sais point, et je ne saurais me le persuader.

Fabius. — J’avais réglé avec Annibal qu’on échangerait dans les deux armées les prisonniers, et que ceux qui ne pourraient être échangés seraient rachetés deux cent cinquante drachmes pour chaque homme. L’échange achevé, on trouva qu’il y avait encore, au delà du nombre des Carthaginois, deux cent cinquante Romains qu’il fallait racheter. Le sénat désapprouve mon traité et refuse le payement : j’envoie mon fils à Rome pour vendre mon bien, et je paye à mes dépens toutes ces rançons que le sénat ne voulait point