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faut pas juger par la grandeur de la ville, mais par les maux qu’elle causait à Rome. Véies était alors, à proportion, plus forte pour Rome naissante, que Tarente ne le fut dans la suite pour Rome qui avait augmenté sa puissance par tant de prospérités.

Fabius. — Mais cette petite ville de Véies, vous demeurâtes dix ans à la prendre ; ce siège dura autant que celui de Troie : aussi entrâtes-vous dans Rome, après cette conquête, sur un chariot triomphal traîné par quatre chevaux blancs. Il vous fallut même des vœux pour parvenir à ce grand succès ; vous promîtes aux dieux la dixième partie du butin. Sur cette parole, ils vous firent prendre la ville ; mais dès qu’elle fut prise, vous oubliâtes vos bienfaiteurs, et vous donnâtes le pillage aux soldats, quoique les dieux méritassent la préférence.

Camillus. — Ces fautes-là se font sans mauvaise volonté, dans le transport que cause une victoire remportée. Mais les dames romaines payèrent mon vœu ; car elles donnèrent tout l’or de leurs joyaux pour faire une coupe d’or du poids de huit talents, qu’on offrit au temple de Delphes : aussi le sénat ordonna qu’on ferait l’éloge public de chacune de ces généreuses femmes après sa mort.

Fabius. — Je consens à leur éloge et point au vôtre. C’est vous qui avez violé votre vœu ; c’est elles qui l’ont accompli.

Camillus. — On ne peut point me reprocher d’avoir jamais manqué volontairement à la bonne foi : j’en ai donné une belle marque.

Fabius. — Je vois déjà venir de loin notre maître d’école tant de fois rebattu.

Camillus. — Ne pensez pas vous en moquer ;