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Coriolanus. — Pourquoi ?

Camillus. — Le voici : c’est que le nombre des mauvaises têtes étant le plus grand, toutes les mauvaises têtes croiront pouvoir secouer le joug de leur patrie et aller ailleurs vivre sans règle et sans joug ; ce plus grand nombre deviendra indépendant et détruira bientôt partout toute autorité. Ils iront même hors de leur patrie chercher des armes contre la patrie même. Dès ce moment, il n’y a plus de société de peuple qui soit constante et assurée. Ainsi vous renverseriez les lois et la société, que la raison, selon vous, demande, pour flatter une liberté effrénée, ou plutôt le libertinage des fous et des méchants, qui ne se croient libres que quand ils peuvent impunément mépriser la raison et les lois.

Coriolanus. — Je vois bien maintenant toute la suite de votre raisonnement, et je commence à le goûter.

Camillus. — Ajoutez que cet établissement de républiques et de lois, étant ensuite autorisé par le consentement et la pratique universelle du genre humain, excepté de quelques peuples brutaux et sauvages, la nature humaine entière, pour ainsi dire, s’est livrée aux lois depuis des siècles innombrables par une absolue nécessité. Les fous mêmes et les méchants, pourvu qu’ils ne le soient qu’à demi, sentent et reconnaissent ce besoin de vivre en commun et d’être sujets à des lois.

Coriolanus. — J’entends bien ; et vous voulez que la patrie ayant ce droit, qui est sacré et inviolable, on ne puisse s’armer contre elle.

Camillus. — Ce n’est pas seulement moi qui le veux, c’est la nature qui le demande. Quand Volum-