Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que j’appelle être bon citoyen, aimer la patrie et s’attacher à la république.

Coriolanus. — Vous qui m’accusez de subtilité, vous êtes plus subtil que moi.

Camillus. — Point du tout. Rentrons, si vous voulez, dans le détail : par quelle proposition vous ai-je surpris ? La raison est la nature de l’homme. Celle-là est-elle vraie ?

Coriolanus. — Oui, sans doute.

Camillus. — L’homme n’est point libre pour aller contre la raison. Que dites-vous de celle-là ?

Coriolanus. — Il n’y a pas moyen de l’empêcher de passer.

Camillus. — La raison veut qu’on vive en société, et par conséquent avec subordination. Répondez.

Coriolanus. — Je le crois comme vous.

Camillus. — Donc il faut qu’il y ait des règles inviolables de société, que l’on nomme lois, et des hommes gardiens des lois, qu’on nomme magistrats, pour punir ceux qui les violeront ; autrement il y aurait autant de gouvernements arbitraires que de têtes, et les têtes les plus mal faites seraient celles qui voudraient le plus renverser les mœurs et les lois, pour gouverner, ou du moins se gouverner, selon leurs caprices.

Coriolanus. — Tout cela est clair.

Camillus. — Donc il est de la nature raisonnable d’assujettir sa liberté aux lois et aux magistrats de la société où l’on vit.

Coriolanus. — Cela est certain. Mais on est libre de quitter cette société.

Camillus. — Si chacun est libre de quitter la sienne où il est né, bientôt il n’y aura plus de société réglée sur la terre.