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part au gouvernement, et que vous avez voulu vous distinguer par vos études : car vous y avez plus cherché la gloire que la vérité.

Cicéron. — Il ne faut point mentir ; j’ai toujours aimé la gloire comme une suite de la vertu.

Démosthène. — Dites mieux : beaucoup la gloire, et peu la vertu.

Cicéron. — Sur quels fondements jugez-vous si mal de moi ?

Démosthène. — Sur vos propres discours. Dans le même temps que vous faisiez le philosophe, n’avez-vous pas prononcé ces beaux discours où vous flattiez César, votre tyran, plus bassement que Philippe ne l’était par ses esclaves ? Cependant on sait comme vous l’aimiez ; il y a bien paru après sa mort, et de son vivant vous ne l’épargniez pas dans vos lettres à Atticus.

Cicéron. — Il fallait bien s’accommoder au temps et tâcher d’adoucir le tyran, de peur qu’il ne fît encore pis.

Démosthène. — Vous parlez en bon rhéteur et en mauvais philosophe. Mais que devint votre philosophie après sa mort ? qui vous obligea de rentrer dans les affaires ?

Cicéron. — Le peuple romain, qui me regardait comme son unique appui.

Démosthène. — Votre vanité vous le fit croire, et vous livra à un jeune homme dont vous étiez la dupe. Mais enfin revenons au point : vous avez toujours été orateur, et jamais philosophe.

Cicéron. — Vous, avez-vous jamais été autre chose ?

Démosthène. — Non, je l’avoue ; mais aussi n’ai-je jamais fait autre profession : je n’ai trompé per-