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XXXIII

CICÉRON ET DÉMOSTHÈNE


Différence entre l’orateur et le philosophe


Cicéron. — Pour avoir vécu du temps de Platon, et avoir même été son disciple, il me semble que vous avez bien peu profité de cet avantage.

Démosthène. — N’avez-vous donc rien remarqué dans mes oraisons, vous qui les avez si bien lues, qui sentît les maximes de Platon et sa manière de persuader ?

Cicéron. — Ce n’est pas ce que je veux dire. Vous avez été le plus grand orateur des Grecs, mais enfin vous n’avez été qu’orateur. Pour moi, quoique je n’aie jamais connu Platon que dans ses écrits, et que j’aie vécu environ trois cents ans après lui, je me suis efforcé de l’imiter dans la philosophie : je l’ai fait connaître aux Romains, et j’ai le premier introduit chez eux ce genre d’écrire ; en sorte que j’ai rassemblé, autant que j’en ai été capable, en une même personne, l’éloquence et la philosophie.

Démosthène. — Et vous croyez avoir été un grand philosophe ?

Cicéron. — Il suffit, pour l’être, d’aimer la sagesse, et de travailler à acquérir la science et la vertu. Je crois me pouvoir donner ce titre sans trop de vanité.

Démosthène. — Pour orateur, j’en conviens, vous avez été le premier de votre nation ; et les Grecs mêmes de votre temps vous ont admiré ; mais