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Diogène. — Avais-tu promis des récompenses à tous ceux qui inventeraient de nouveaux plaisirs ? C’était une étrange rage pour la volupté. Oh que tu t’étais bien mécompté ! Avoir tout renversé dans son pays pour être heureux, et être si misérable et si affamé de plaisirs !

Denys. — Il fallait bien tâcher d’en faire inventer de nouveaux, puisque tous les plaisirs ordinaires étaient usés pour moi.

Diogène. — La nature entière ne te suffisait donc pas ? Eh ! qu’est-ce qui aurait pu apaiser tes passions furieuses ? Mais les plaisirs nouveaux auraient-ils pu guérir tes défiances et étouffer les remords de tes crimes ?…

Denys. — Non ; mais les malades cherchent comme ils peuvent à se soulager dans leurs maux. Ils essayent de nouveaux remèdes pour se guérir et de nouveaux mets pour se ragoûter.

Diogène. — Tu étais donc dégoûté et affamé tout ensemble : dégoûté de tout ce que tu avais, affamé de tout ce que tu ne pouvais avoir. Voilà un bel état ; et c’est là ce que tu as pris tant de peine à acquérir et à conserver ! Voilà une belle recette pour se faire heureux. C’est bien à toi de te moquer de mon tonneau, où un peu d’eau, de pain et de soleil, me rendait content ! Quand on sait goûter ces plaisirs simples de la pure nature, ils ne s’usent jamais, et on n’en manque point ; mais quand on les méprise, on a beau être riche et puissant, on manque de tout, car on ne peut jouir de rien.

Denys. — Ces vérités que tu dis m’affligent ; car je pense à mon fils, que j’ai laissé tyran après moi : il serait plus heureux si je l’avais laissé pauvre artisan, accoutumé à la modération et instruit par