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m’en suis vanté bien des fois, dans des chaînes de diamant ; mais le ciseau des Parques a coupé ces chaînes avec le fil de mes jours.

Diogène. — Je t’entends soupirer, et je suis sûr que tu soupirais aussi dans ta gloire. Pour moi, je ne soupirais point dans mon tonneau ; et je n’ai que faire de soupirer ici-bas, car je n’ai laissé, en mourant, aucun bien digne d’être regretté. Ô mon pauvre tyran, que tu as perdu à être si riche, et que Diogène a gagné à ne posséder rien !

Denys. — Tous les plaisirs en foule venaient s’offrir à moi : ma musique était admirable ; j’avais une table exquise, des esclaves sans nombre, des parfums, des meubles d’or et d’argent, des tableaux, des statues, des spectacles de toutes les façons, des gens d’esprit pour m’entretenir et pour me louer, des armées pour vaincre tous mes ennemis.

Diogène. — Et par-dessus tout cela des soupçons, des alarmes et des fureurs, qui t’empêchaient de jouir de tant de biens.

Denys. — Je l’avoue. Mais aussi quel moyen de vivre dans un tonneau ?

Diogène. — Eh ! qui t’empêchait de vivre paisiblement en homme de bien, comme un autre, dans ta maison, et d’embrasser une douce philosophie ? Mais est-il vrai que tu croyais toujours voir un glaive suspendu sur ta tête au milieu de tous les plaisirs ?

Denys. — N’en parlons plus, tu veux m’insulter.

Diogène. — Souffriras-tu une autre question aussi forte que celle-là ?

Denys. — Il faut bien la souffrir ; je n’ai plus de menaces à te faire pour t’en empêcher ; je suis ici bien désarmé.