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Ammon ? Elle répondit que tu blasphémais en supposant que ton père pouvait avoir des meurtriers ; tu sus profiter de ses salutaires avis, et tu évitas avec un grand soin de tomber dans la suite dans de pareilles impiétés. Ô homme trop faible pour supporter les talents que tu avais reçus du ciel !

Alexandre. — Crois-tu, Diogène, que j’aie été assez insensé pour ajouter foi à toutes ces fables ?

Diogène. — Pourquoi donc les autorisais-tu ?

Alexandre. — C’est qu’elles m’autorisaient moi-même. Je les méprisais et je m’en servais parce qu’elles me donnaient un pouvoir absolu sur les hommes. Ceux qui auraient peu considéré le fils de Philippe tremblaient devant le fils de Jupiter. Les peuples ont besoin d’être trompés : la vérité est faible auprès d’eux ; le mensonge est tout puissant sur leur esprit. La seule réponse de la prêtresse, dont tu parles avec dérision, a plus avancé mes conquêtes que mon courage et toutes les ressources de mon esprit. Il faut connaître les hommes, se proportionner à eux, et les mener par les voies par lesquelles ils sont capables de marcher.

Diogène. — Les hommes du caractère que tu dépeins sont dignes de mépris, comme l’erreur à laquelle ils sont livrés ; et, pour être estimé de ces hommes vils, tu as eu recours au mensonge, qui t’a rendu plus indigne qu’eux.