Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.

si sage dans l’enfance, et si peu raisonnable quand il serait temps de l’être ?

Aristote. — C’est que dans la jeunesse on est instruit, excité, corrigé par des gens de bien. Dans la suite on s’abandonne à trois sortes d’ennemis : à sa présomption, à ses passions, et aux flatteurs.




XXVI

ALEXANDRE ET CLITUS


Funeste délicatesse des grands, qui ne peuvent souffrir d’être avertis de leurs défauts, même par leurs plus fidèles serviteurs.


Clitus. — Bonjour, grand roi. Depuis quand es-tu descendu sur ces rives sombres ?

Alexandre. — Ah ! Clitus, retire-toi ; je ne puis supporter ta vue ; elle me reproche ma faute.

Clitus. — Pluton veut que je demeure devant tes yeux, pour te punir de m’avoir tué injustement. J’en suis fâché, car je t’aime encore, malgré le mal que tu m’as fait ; mais je ne puis plus te quitter.

Alexandre. — Ô la cruelle compagnie ! Voir toujours un homme qui rappelle le souvenir de ce qu’on a eu tant de honte d’avoir fait !

Clitus. — Je regarde bien mon meurtrier ; pourquoi ne saurais-tu pas regarder un homme que tu as fait mourir ? Je vois bien que les grands sont