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de chaque chose, vous n’avez point eu de principes assez fermes, et vous n’alliez qu’à tâtons.

Aristote. — Y a-t-il rien de plus clair que ma morale ?

Platon. — Elle est claire, elle est belle, je l’avoue ; votre logique est subtile, méthodique, exacte, ingénieuse : mais votre physique n’est qu’un amas de termes abstraits qui n’expliquent point la nature des corps ; c’est une physique métaphysiquée, ou, pour mieux dire, des noms vagues, pour accoutumer les esprits à se payer de mots, et à croire entendre ce qu’ils n’entendent pas. C’est en cette occasion que vous auriez eu grand besoin d’idées claires pour éviter le galimatias que vous reprochez aux autres. Un ignorant sensé avoue de bonne foi qu’il ne sait ce que c’est que la matière première. Un de vos disciples croit dire des merveilles, en disant qu’elle n’est ni quoi, ni quel, ni combien, ni aucune des choses par lesquelles l’être est déterminé. Avec ce jargon un homme se croit grand philosophe et méprise le vulgaire. Les épicuriens, venus après vous, ont raisonné plus sensément que vous sur les figures et sur le mouvement des petits corps qui forment par leur assemblage tous les composés que nous voyons. Au moins c’est une physique vraisemblable. Il est vrai qu’ils n’ont jamais remonté jusqu’à l’idée et à la nature de ces petits corps ; ils supposent, toujours sans preuve, des règles toutes faites, et sans savoir par qui ; puis ils en tirent, comme ils peuvent, la composition de toute la nature sensible. Cette philosophie est imparfaite, il est vrai ; mais enfin elle sert à entendre beaucoup de choses dans la nature. Votre philosophie n’enseigne que des mots : ce