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Aristote. — C’est que j’ai dit des choses originales, et que je les ai expliquées fort clairement. Je n’ai point pris le style poétique ; en cherchant le sublime, je ne suis point tombé dans le galimatias : je n’ai point donné dans les idées éternelles.

Platon. — Tout ce que vous avez dit était tiré de livres que vous avez tâché de supprimer. Vous avez parlé, j’en conviens, d’une manière nette, précise, pure ; mais sèche, et incapable de faire sentir la sublimité des vérités divines. Pour les idées éternelles, vous vous en moquerez tant qu’il vous plaira ; mais vous ne sauriez vous en passer, si vous voulez établir quelques vérités certaines. Quel moyen d’assurer ou de nier une chose d’une autre, à moins qu’il n’y ait des idées de ces deux choses qui ne changent point ? Qu’est-ce que la raison, sinon nos idées ? Si nos idées changeaient, la raison serait aussi changeante. Aujourd’hui le tout serait plus grand que la partie : demain la mode en serait passée, et la partie serait plus grande que le tout. Ces idées éternelles, que vous voulez tourner en ridicule, ne sont donc que les premiers principes de la raison, qui demeurent toujours les mêmes. Bien loin que nous puissions juger de ces premières vérités, ce sont elles qui nous jugent, et qui nous corrigent quand nous nous trompons. Si je dis une chose extravagante, les autres hommes en rient d’abord, et j’en suis honteux. C’est que ma raison et celle de mes voisins est une règle au-dessus de moi, qui vient me redresser malgré moi, comme une règle véritable redresserait une ligne tortue que j’aurais tracée. Faute de remonter aux idées qui sont les premières et les simples notions